Loi Économie circulaire : encore du pain sur la planche !
mardi 17 mars 2020, par Bakhta JOMNI
Décrets et arrêtés : coup de projecteur sur les instruments réglementaires prévus par la loi Économie circulaire.
Décrets en Conseil d’État, décrets simples, arrêtés, « voie réglementaire » : ces mesures d’application sont mentionnées des dizaines de fois chacune dans la loi Économie circulaire. Une fois la crise sanitaire passée, le gouvernement aura du pain sur la planche, mais cela ne veut pas dire qu’il va devoir préparer une centaine de textes dans les prochains mois. Plusieurs thématiques pourront être regroupées dans un même décret ou arrêté.
Lorsqu’il adopte une loi, le législateur fixe des grands principes et charge le gouvernement d’en fixer les détails. La loi Économie circulaire prévoit que le gouvernement devra surtout prendre des décrets, ce qui n’est pas étonnant s’agissant d’un domaine nouveau dans lequel il reste des questions de fond à régler. En effet, les décrets constituent le mode ordinaire du pouvoir réglementaire alors que les arrêtés traitent plutôt des points techniques. Les décrets ont une valeur juridique supérieure aux arrêtés. Ils sont adoptés par le Premier ministre et contresignés par les ministres chargés de leur exécution.
Les arrêtés, en revanche, sont adoptés directement par les ministres concernés. La différence entre les décrets en Conseil d’État et les décrets simples est que la consultation du Conseil d’État est obligatoire pour les premiers. Le gouvernement ne peut édicter que le texte adopté par le Conseil d’État ou le projet qu’il lui a soumis (ce qui serait risqué si des irrégularités juridiques ont été identifiées). L’avis du Conseil d’État est donc important et, en pratique, il est généralement suivi. C’est la raison pour laquelle les décrets en Conseil d’État ont une importance particulière et sont utilisés pour fixer les grandes lignes d’une réglementation ou dans les matières qui nécessitent des garanties.
La loi Économie circulaire renvoie aussi à des « mesures réglementaires », ce qui laisse le gouvernement libre de choisir entre un décret simple ou en Conseil d’État. À noter qu’il existe une hiérarchie entre ces textes, dans l’ordre suivant : loi, décret en Conseil d’État, décret simple, arrêté, circulaire administrative. Le texte du « dessous » doit respecter le texte du « dessus » et peut être invalidé en tout en partie si ce n’est pas le cas.
Deux mois pour contester
Hormis le Conseil d’État, de nombreux organismes devront être consultés de manière obligatoire ou facultative sur les mesures d’application de la loi Économie circulaire. On peut noter le Conseil économique social et environnemental, le Conseil national de l’évaluation des normes, la consultation du public sur les questions d’environnement, et la consultation des professionnels du secteur (directement et via leurs associations professionnelles). Ces consultations doivent être suivies de près.
Elles sont une occasion unique de faire remonter ses observations si on pense que le projet soulève des difficultés pratiques ou juridiques particulières. Une fois adopté, le décret ou l’arrêté s’appliquera tel quel. Il pourra faire l’objet d’un recours contentieux dans un délai de 2 mois à compter de sa publication, mais ce recours n’a pas d’effet suspensif automatique. Si personne n’a intenté de recours, le texte continuera de s’appliquer et ne pourra pas être contesté avant plusieurs mois, voire plusieurs années : soit à l’occasion de mesures pénales ou administratives engagées contre un opérateur pour non-respect du décret ou de l’arrêté ; soit si l’on demande sa modification et que l’on attaque le refus du gouvernement de le faire.
Dans une circulaire de 2008, le gouvernement s’est fixé un délai (non contraignant) de 6 mois pour adopter les mesures réglementaires prévues par une loi. Objectif qu’il arrive à atteindre puisque selon un rapport du Sénat, le délai moyen d’adoption des textes réglementaires atteint désormais 4 mois et 11 jours. Pour la loi Économie circulaire, le gouvernement a déjà identifié les textes qui prendraient moins ou plus de 6 mois pour être adoptés. Certaines mesures d’application, comme les nouvelles REP, nécessitent en effet un gros travail de préparation.
Gilles Boin, avocat associé Product Law Firm / SARL ABG Partners
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